Entre chien et loup
J’ai un faible pour les endroits que personne n’apprécie. La péninsule nord possède un grand nombre d’endroits de ce genre, auxquels manquent l’atmosphère dramatique et le pittoresque adulés par les fanas de la nature proprette et grandiose. Je possède une souche d’arbre dans une clairière située au diable vauvert. Quelqu’un, sans doute un chasseur de chevreuil, a abandonné une bouteille de bière près de ma souche. Je la laisse-là, cette bouteille de bière, pour dissimuler la valeur de ma souche.
J’ai mis vingt ans à voir un loup gris en liberté. J’aurais pu abréger notablement cette attente en me rendant à l’Île Royale ou au Canada, mais je tenais à découvrir ce loup comme une nouveauté. Je l’ai surpris et il m’a surpris. A partir de ce seul incident, j’ai rêvé que je découvrais une louve, l’échine brisée, sur un chemin de bûcherons. Je m’agenouillais près d’elle et elle entrait en moi pour devenir une partie de mon corps et de mon squelette.
Le choc que l’on ressent en comprenant qu’on est perdu est une métaphore de cette découverte qu’on n’a jamais été « trouvé » d’une manière significative. Perdu, vous savez qui vous êtes.
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