Les Vies minuscules
Dans le jour naissant, net sur le ciel glorieux et léger comme un chant d’ivrogne, le Puy feuillu l’a appelé. Il est entré dans la forêt ; ses pieds bottés ont fait lever des odeurs, l’ombre verte a touché son front ; il fumait ; le vin bu le berçait, les tendres feuilles le caressaient ; il a prononcé avec étonnement quelques syllabes que nous ne connaissons pas. Quelque chose lui a répondu, qui ressemblait à l’éternité, dans le verbiage fortuit d’un oiseau. L’ébrouement soudain d’un cerf proche ne l’a pas surpris ; il a vu une laie venir vers lui avec douceur ; les chants si raisonnables se sont accrus avec le jour, ces chants qu’il entendait. L’éclaircie de l’horizon a dévoilé un sous-bois de huppes, de geais, des plumages ocrés et roses comme des fleurs, des becs attentifs et des yeux ronds pleins d’esprit. Il a caressé de petits serpents très doux ; il parlait toujours. Le mégot brûlait son doigt ; il a pris sa dernière bouffée. Le premier soleil l’a frappé, il a chancelé, s’est retenu à des robes fauves, des poignées de menthe : il s’est souvenu de chairs de femmes, de regards d’enfants, du délire des innocents : tout cela parlait dans le chant des oiseaux ; il est tombé à genoux dans la bouleversante signifiance du Verbe universel. Il a relevé la tête, a remercié Quelqu’un, tout a pris sens, il est retombé mort.
0 comments on Les Vies minuscules